mardi 27 août 2013

Animale : La malédiction de Boucle d'Or de Victor Dixen



Animale : La malédiction de Boucle d'Or
Victor Dixen
Gallimard Jeunesse / 437 pages


Quatrième de couverture
Et si le conte le plus innocent dissimulait l'histoire d'amour la plus terrifiante ?
1832. Blonde, dix-sept ans, orpheline, vit depuis toujours dans un couvent, entourée de mystères. Pourquoi les soeurs l'obligent-elles à couvrir ses cheveux d'or et à cacher sa beauté troublante derrière des lunettes noires ? Qui sont ses parents et que leur est-il arrivé ? Quelle est la cause de ses évanouissements fréquents ?
Blonde est différente et rêve de se mettre en quête de vérité. Alors qu'elle s'enfuit du couvent pour remonter le fil du passé, elle se découvre un côté obscure, une part animale : il y a au coeur de son histoire un terrible secret.








Ma rencontre avec le livre

C'est en tant que membre de la promo 2013 des chroniqueurs On lit plus fort que j'ai eu le plaisir de voir ce livre arriver dans ma boîte aux lettres. Plaisir d'autant plus grand que j'ai entendu beaucoup de bien des précédents romans de Victor Dixen (Le cas Jack Spark) mais sans avoir eu l'occasion de les lire. La réputation de cet auteur se vérifie-t-elle ici ?

Ma lecture du livre

Dans Animale – La malédiction de Boucle d'Or, Victor Dixen nous propose une réécriture du célèbre conte de Boucle d'Or et les Trois Ours. En effet, à travers l'histoire de Blonde, une jeune orpheline élevée dans un couvent, l'auteur nous embarque dans une aventure qui n'est pas sans rappeler celle de la jeune fille blonde s'endormant malencontreusement dans une maison peuplée d'ours... Mais, je dis bien réécriture et pas simplement nouveau récit de la célèbre histoire des frères Grimm.

Réécriture, tout d'abord, par le cadre choisi pour cette nouvelle version. L'histoire prend en effet place dans la Lorraine de la première moitié du XIXe siècle. Là où les contes sont habituellement assez vagues en ce qui concerne le cadre spatio-temporel, Victor Dixen s'appuie au contraire sur un background historique bien documenté et bien utilisé. Cet ancrage historique constitue, à mes yeux, un des points forts du roman même si, au final, cela n'a pas forcément un impact crucial sur le cœur du récit.

Réécriture, ensuite, car l'auteur s'éloigne de la forme même du conte. Animale n'adopte ainsi pas la forme d'une histoire narrée chronologiquement par un narrateur extérieur. Bien au contraire, au fil des pages, Victor Dixen joue des différentes formes narratives à sa disposition : récit traditionnel, lettres, rapport d'enquête, entretien de police, journal intime... Cela apporte une véritable variété au roman et permet de sans cesse renouveler l'attention du lecteur. Cependant, on touche là également à un des défaut du livre. En effet, j'ai parfois eu une impression de longueur et de redite entre les différentes formes de narration. Certaines informations étaient simplement reformulées d'une nouvelle manière sans que cela n'apporte de réel intérêt.

Réécriture, enfin, par la complexité et l’ampleur nouvelle donnée à l'histoire de Boucle d'Or. En effet, en plus de jouer sur les formes de récits, Victoire Dixen les enchâsse et nous raconte non pas une mais deux histoires (qui sont bien évidemment liées). A nouveau, ce procédé permet de renouveler l'intérêt du lecteur en variant les lieux et les époques évoqués. Mais surtout, cela permet aussi de changer de personnages. Car, en effet, j'ai par moment eu un peu de mal avec l'héroïne, Blonde, en particulier lorsqu'il est question de l'histoire d'amour cousue de fil blanc qu'on sent poindre dès les premières pages.

Pour finir, un petit mot sur le style de Victor Dixen. Là, je n'ai rien à redire et je peux même souligner le fait que j'ai vraiment apprécié la plume de cet auteur. Son écriture est recherchée et nous rappelle qu'il existe de la littérature jeunesse qui ne prend pas son lectorat pour une bande d'illettrés : vocabulaire riche, construction de vraies phrases... On peut en particulier noter le soin accordé au prologue et à certains chapitres de la fin du livre, dont la focalisation particulière du narrateur influe sur le style même d'écriture. Finalement, on en est presque déçu au sens où cette maîtrise du style illustre le potentiel de l'auteur, mais potentiel qui n'est pas mis au service d'une histoire qui en est à la hauteur. En effet, arrivé à la fin du roman, c'est avec une pointe de déception qu'on constate que l'histoire n'a jamais vraiment décollé. Si elle se suit sans problème, on se rend compte qu'il s'agit là d'une x-ième varitation sur le thème des transformations homme-animal en replaçant le loup actuellement à la mode par l'ours. Les péripéties ne sont pas forcément très innovantes en ce qui concerne le parcours de Blonde. Ainsi, au final, c'est plus l'histoire dans l'histoire (c'est à dire celle que découvre elle-même Blonde au fil du livre) qui m'a intéressé que les pérégrinations de ladite héroïne.


En résumé : un roman qui confirme ce que j'ai entendu sur la plume de Victor Dixen. Un réel travail sur le style, l'univers et le texte mais au service d'une histoire qui, si elle se suit sans difficulté, n'est finalement pas toujours à la hauteur des précédentes qualités. Il n'en demeure pas moins qu'Animale est un roman jeunesse de qualité qui rappelle que roman jeunesse ne signifie pas simplicité.

7/10

dimanche 18 août 2013

Star Wars / L'héritage de la Force 7 : Fureur de Aaron Allston



Star Wars / L’héritage de la Force 7 : Fureur
Aaron Allston
Fleuve noir / 408 pages

Quatrième de couverture :
Combattant au côté des rebelles Corelliens, Han et Leia sont condamnés à affronter leur fils Jacen qui devient chaque jour plus puissant et plus dangereux. Rien ne peut stopper la détermination de Jacen à ramener la paix lors d'une glorieuse victoire de l'Alliance Galactique, quel qu'en soit le prix.
Luke pleure la perte d'un proche et essaie de gérer son sentiment de culpabilité après s'être mortellement vengé sur la mauvaise personne. Jaina, Jag et Zekk recherchent le vrai assassin, sans savoir que leur suspect maîtrise des pouvoirs Sith capable de brouiller leurs esprits et de les orienter vers la mauvaise cible, voire même de les retourner les uns contre les autres. Tandis que Luke et Ben luttent pour trouver leur place au milieu du chaos, Jacen, rejeté par ses proches, lance une mission pour secourir la seule personne qui lui soit encore loyale ...




Comme d’habitude pour les romans Star Wars, je vous renvoie à l’article qui normalement devrait vous permettre de vous y retrouver dans la chronologie des romans. C’est par ici !

Note : étant donné qu'on en est maintenant à plus de la moitié de la série, je considère que certaines choses sont connues. Par conséquent, certains éléments auxquels je faisais seulement vaguement allusion avant (de peur de spoiler) sont maintenant évoqués plus clairement.



Après deux tomes très intenses et faisant fortement avancer l'intrigue (Sacrifice et Enfer), Aaron Allston se retrouve en charge d'initier le dernier arc narratif de ce cycle (qui se compose de trois arcs de trois romans chacun). Mission difficile, d'autant plus qu'après la gravité des événements des tomes précédents on se demande comment les auteurs vont pouvoir aller encore plus loin. Question justifiée et dont la réponse s'avère malheureusement assez décevante pour ce tome 7.

Reprenons là où nous avions terminé la dernière fois. Ca y est, enfin, Caedus assume sa véritable nature. Les Jedi prennent ouvertement position et les camps se dessinent plus nettement, permettant ainsi d'apporter un côté plus direct aux tensions entre personnages. Si, dans les tomes précédents, il était jouissif de voir les clivages se mettre en place entre les héros, on est ici relativement dessus. Chacun campe sur ses positions, il n'y a pas de véritables interactions ou confrontations entre les personnages et on avance très peu dans leurs relations. L'intrigue de ce tome se réduit ainsi à un kidnapping et à une tentative de sauvetage. Pas très folichon malgré le fait qu'un personnage potentiellement intéressant pour la suite soit amené au premier plan.

Passé la déception d'une intrigue qui n'avance pas, il faut reconnaître au roman quelques bons points. Je pense ici en particulier au retour sur le devant de la scène de Jaina et Jagg Fel. Un lecteur un minimum attentif aura compris où se dirige leur relation depuis déjà plusieurs tomes mais cela était toujours très discret. Ici, Jaina semble se dessiner comme la futur "héroïne" principale de ce dernier cycle. Si j'ai toujours eu tendance à préférer son jumeau Jacen, je dois reconnaître qu'ici les auteurs parviennent à donner un peu plus de complexité à son personnage, en jouant justement de sa relation avec Jagg.

En revanche, au niveau des autres personnages : déception à nouveau. En effet, la présence de Ben Skywalker sur la couverture me laissait espérer un roman lui faisant honneur. Et bien non. Mis à part quelques scènes de dialogues avec Luke, le personnage n'apporte quasiment rien à l'intrigue dans ce tome ! C'est assez décevant quand on compare la place croissante qu'il tendait à prendre depuis quelques livres. Espérons que les auteurs suivants parviennent à réutiliser le personnage à bon escient.



En résumé : un tome relativement décevant dont on ressort avec l'impression de ne pas avoir avancé, mis à part en ce qui concerne les personnages de Jaina et Jagg. Pour la défense de l'auteur, il s'agit là d'initier le dernier arc qui concluera le cycle. Il faut donc poser des bases, ouvrir des pistes pour la fin sans déjà trop en donner. A ce titre, la chute du roman et les perspectives d'évolution de Jaina constituent une promesse intéressante. Cependant, étant un peu déçu sur ce tome, je crois que je vais faire une petite pause Star Wars.

4/10

samedi 13 juillet 2013

Wastburg de Cédric Ferrand



Wastburg
Cédric Ferrand
Folio SF – 404 pages
 
Quatrième de couverture
Wastburg, une cité acculée entre deux royaumes, comme un bout de bidoche solidement coincé entre deux chicots douteux. Une gloire fanée qui attend un retour de printemps qui ne viendra jamais. Dans ses rues crapoteuses, les membres de la Garde battent le pavé. Simple gardoche en train de coincer la bulle, prévôt faisant la tournée des grands ducs à l’œil ou bien échevin embourbé dans les politicailleries, la loi leur colle aux doigts comme une confiture tenace. La Garde finit toujours par mettre le groin dans tous les coups foireux de la cité. Et justement, quelqu'un à Wastburg est en train de tricoter un joli tracassin taillé sur mesure. Et toute la ville attend en se demandant au nez de qui ça va péter.




Ma rencontre avec le livre

Avant même de voir qu’il était proposé sur le forum Livraddict, j’avais déjà eu quelques échos plutôt positifs de ce livre atypique. Je n’ai donc pas hésité très longtemps avant de postuler pour le lire. Merci à la team Livraddict de m’avoir sélectionné car il s’agit d’une belle découverte !


Ma lecture du livre

Si avec Wastburg vous espérez trouver de la bonne vieille fantasy à la Tolkien avec ses nains, elfes et magiciens, passez votre chemin. Ou plutôt non, osez le saut dans cette fantasy d’un autre genre, rafraîchissante et osée loin des clichés éculés du genre ! La citation de China Miéville placée en exergue du roman donne d’emblée le ton en qualifiant Tolkien de « kyste sur le cul de la littérature fantasy ». Prêts à tenter l’expérience ?


Qu’est-ce donc, alors, que ce Wastburg ? Cédric Ferrand, l’auteur, rompt avec les conventions du genre en ne proposant ni une histoire de magie ni une quête initiatique dans laquelle le lecteur suivrait un jeune héros au destin exceptionnel accompagné de nains ou d’elfes. Ici, à chaque chapitre, on change de personnage, personnages qui ne sont finalement que des prétextes à l’immense fresque donnant à voir la ville « médiévale » de Wastburg. Du garde au scribe en passant par le gamin des rues, ces figures donnent à voir la vie de la cité dans ce qu’elle a de plus prosaïque et vulgaire mais aussi dans sa complexité. Ainsi, on peut donc dire que la véritable héroïne de l’histoire c’est la ville elle-même qui prend forme et vie au fil des pages.


Cédric Ferrand prend donc le partie d’une forme et d’une histoire originales. Mais cela fonctionne-t-il ? A mon sens, oui. Je dirai même que j’ai été conquis par la recette. Je ne mentirai pas : j’ai eu un peu de mal au début à entrer dans le livre. En effet, en apparence (du moins pendant les quelques 50 premières pages), rien ne relie les chapitres et les personnages entre eux. Puis, petit à petit, quelque chose émerge et une histoire de la ville se met en place. Celle-ci, si elle n’est pas en elle-même révolutionnaire, est bien ficelée et agréable à suivre. Premier succès, donc, en ce qui concerne le projet de raconter l’histoire d’une ville.

Succès également pour la galerie de personnage que dresse l’auteur. Je l’ai dit, les personnages sont relativement variés. Si certains m’ont plus accroché que d’autres, je dois reconnaître que leur traitement est toujours très bon. En quelques pages l’auteur parvient à donner un véritable background à ses personnages, aussi bien une histoire personnelle qu’une psychologie propre. On sent ici le talent de rôliste de l’auteur qui, si il en est là à son premier roman, était déjà connu dans le monde des jeux de rôle. Ainsi, c’est parfois avec regret que l’on quitte un personnage lorsque son chapitre se termine, preuve que malgré la brièveté du temps passé avec chacun d’eux l’auteur parvient à nous accrocher. Quelques bémols cependant au sujet de ce procédé de la galerie. Tout d’abord, c’est avec regret que je constate que l’auteur ne s’est intéressé qu’à des personnages masculins. Les femmes n’apparaissent que comme protagonistes secondaires dans des chapitres toujours focalisés sur un personnage masculin. Or, je suis sûr que l’auteur aurait pu trouver des représentantes de la gente féminine permettant de donner leur touche particulière à l’atmosphère de la ville qu’il dépeint. Deuxième critique : la faiblesse des descriptions. Autant la psychologie et le background des personnages étaient de qualité, autant j’ai parfois eu du mal à me faire une image physique de certains des personnages.


Mais, devant ces succès, on pardonne ces quelques faiblesses, d’autant plus que le tout est servi dans un style vivant, avec un vocabulaire fleuri qui contribue pleinement à l’atmosphère de la ville. A travers tous ces éléments (intrigue, personnages, plume), Cédric Ferrand réussit son pari : la ville de Wastburg et ses habitants prennent vie devant le lecteur et se dotent d’une réalité impressionnante grâce au souci du détail et de l’anecdote dont fait preuve l’auteur. En tant qu’historien j’ai à plusieurs reprises pu sentir l’influence des recherches historiques sans doute réalisées par Cédric Ferrand pour parvenir à ce niveau de crédibilité, reconnaissant ici et là des éléments sur la ville médiévale vus en cours. Bref, l’auteur a réussi à mettre tous les atouts de son côté pour réussir à faire de ce roman une réussite.




 En résumé : Wastburg est un roman original qui prend à contre-pied les codes de la fantasy. Les allergiques à ce genre y trouveront quelque chose qui pourra peut-être les réconcilier tandis que les habitués pourront y respirer un peu de fraîcheur dans un genre aujourd’hui bien saturé. Parfaitement maîtrisé, le style particulier de Cédric Ferrand parvient à véritablement donner vie à sa ville sans pour autant négliger sa galerie de personnages, tous très soignés. Un auteur et un univers à suivre de près car le seul regret à la fin du livre, c’est cette impression que tous ces personnages sont autant de portes vers des histoires qui demandent encore à être écrites.

mardi 9 juillet 2013

Merci pour le feu (et autres textes) de F.S. Fitzgerald


Merci pour le feu (et autres textes) 
F.S. Fitzgerald
Editions L’Herne
108 pages
Dès le rendez-vous suivant, pourtant, Mrs Hanson eut affaire à l’exception qui confirmait la règle. Le jeune homme paraissait sympathique, mais son œil se fixa avec tant d’insistance sur la cigarette qu’elle tapotait contre l’ongle de son pouce qu’elle la fit aussitôt disparaître. Elle en fut récompensée lorsqu’il l’invita à déjeuner et durant l’heure qu’ils passèrent à table, il lui fit une commande importante. Et ensuite, il insista pour l’accompagner en voiture jusque chez son prochain client, alors qu’elle avait eu l’intention de repérer un hôtel dans le voisinage et d’aller tirer quelques bouffées dans les toilettes.






 Ma rencontre avec le livre

Je remercie le site Babelio pour m’avoir tirés au sort lors de leur opération « masse critique » lors de laquelle des lecteurs peuvent sélectionner des livres qui les intéressent pour tenter de les gagner en échange de quoi ils doivent ensuite donner leur avis. Je vous invite à découvrir cet événement sur le site Babelio.


Ma lecture du livre

Le petit ouvrage que j’ai ainsi gagné m’a laissé quelque peu sceptique. Sur ces quelques cent pages sont réunis six textes de F.S.Fitzgerald, le célèbre auteur de Gatsby le Magnifique. Si ces textes ne sont pas forcément mauvais, leur présentation et leur exploitation laissent en revanche à désirer. Procédons donc en deux temps pour cette critique : d’abord les textes puis l’édition en elle-même.


Les six textes présentés m’ont semblé assez inégaux. Le premier, « Merci pour le feu », qui donne son titre au recueil s’est avéré être une petite nouvelle courte mais qui m’a fait sourire par l’intemporalité du thème évoqué : la dépendance à la cigarette. Sympathique donc, mais sans plus. Le second texte, « Ma ville perdue », dont la nature entre nouvelle et souvenirs personnels est déjà plus floue, m’a quant à lui bien plus intéressé. En une trentaine de pages, l’auteur nous dépeint le passage de la New-York des années folles à celle de la crise des années 30. Le troisième texte, « Une centaine de faux départs » s’est également avéré intéressant à découvrir, donnant à voir les travaux manqués de Fitzgerald et toutes les idées qui n’auront rien donné. Les trois derniers textes, en revanche, m’ont laissé bien plus sceptique. Ils ne sont pas mal écrits ou inintéressants mais ils sont présentés sans aucune information, sans explication et leurs enjeux apparaissent donc peu clairs au lecteur. On peut donc dire que les textes en eux-mêmes ne sont pas transcendants. Si certains sont plaisants, ils demeurent en grande partie peu convaincants ou prenants et le travail de l’éditeur est selon moi à mettre en cause ici.


Passons donc au deuxième point : le travail de présentation et d’édition des dits textes. Et là, je trouve qu’il y a un gros problème. Tout d’abord, si je n’avais pas reçu un feuillet de présentation de l’ouvrage (du genre de ceux que reçoivent les libraires ou les journalistes), je n’aurai même pas compris qu’il s’agissait là d’un  recueil de textes ! En effet, rien ne l’indique sur la couverture ou dans le résumé de l’ouvrage. Bien sûr, je m’en serai rendu compte en lisant. Mais c’est déjà là un mauvais point selon moi car le livre n’est pas identifiable pour ce qu’il est, à savoir un recueil de plusieurs petits textes alors qu’on pourrait penser qu’il s’agit d’une seule longue nouvelle.

Deuxième problème : l’apparat critique. Mis à part deux ou trois notes du traducteur, l’éditeur n’a absolument pas présenté ou commenté les textes rassemblés dans l’ouvrage. Ils nous sont balancés (oui, le terme est le bon) à la suite et c’est à peine si on nous indique leur contexte de publication. Il manque à la fois des notes pour expliciter les allusions de Fitzgerald (à des évènements, lieux, personnages de l’époque) mais surtout un commentaire ou au minimum une introduction à chaque texte permettant au lecteur de comprendre si ce qu’il lit est une nouvelle au sens strict, un essai, un fragment d’autobiographie ou bien encore autre chose. Je ne suis pas sûr, mais je crois qu’un tel commentaire est proposé pour le troisième texte (« Une centaine de faux départs »). Pourquoi n’en suis-je pas sûr ? Car ce que j’interprète comme un commentaire arrive directement après le texte, sans espace plus grand que celui séparant les paragraphes du texte de Fitzgerald et est écrit exactement dans la même police (taille, forme etc). Bref, c’est assez étrange et on se demande si ce n’est pas Fitzgerald lui-même qui commente son propre texte en parlant de lui à la troisième personne tellement rien n’indique qu’il s’agisse d’un apport extérieur.

Et, dernière critique concernant l’édition : que le texte soit livré brut de décoffrage au lecteur, soit, c’est un choix de l’éditeur. Mais, si je n’ai pas payé le livre, je pense à ceux qui le feront (ou pas car c’est un peu du vol à ce prix) car ces cent pages coûtent tout de même 9,5€ ! A mon goût, le prix est excessif car, devant l’absence totale de travail éditorial (mis à part la traduction), je ne vois pas ce qui justifie un tel prix pour un si petit livre. Un libirio à 2€ présente plus de travail que cette édition.



En résumé : des textes qui auraient pu être intéressants mais très mal édités. Un absence complète de mise en valeur, de contextualisation et d’explication que le lecteur pourrait être en droit d’attendre devant le prix de l’ouvrage. Je ne le recommande qu’aux fans de Fitzgerald qui pourront décrypter l’intérêt de ces textes par eux-mêmes (et même pour eux, je suis sûr qu’il existe des éditions bien plus rigoureuses que celle-ci…).

samedi 29 juin 2013

Percy Jackson 3 : Le sort du Titan de Rick Riordan


 

Percy Jackson 3 : Le sort du titan
Rick Riordan
Editions Albin Michel et Le livre de Poche

Quatrième de couverture
Les monstres sont toujours décidés à tuer les demi-dieux. Percy et ses amis Annabeth, Grover et Thalia se retrouvent face à un horrible manticore. Ils n'ont la vie sauve que grâce à l'intervention de la déesse Artémis et de ses Chasseresses. Mais, lorsque Annabeth puis Artémis disparaissent, une nouvelle quête semée d'embûches s'annonce : Percy devra plus que jamais se méfier des manipulations et des pièges de Cronos, le. Seigneur des Titans.






Ce tome 3 de Percy Jackson nous propose une intrigue globalement plus recherchée que celle du tome 2, ce qui devenait nécessaire pour conserver mon intérêt. Le suspens est par ailleurs mieux maîtrisé par l’auteur : l’intrigue fait un peu moins enchaînement de péripéties artificiel que le tome précédent. Le plus grand nombre de personnage en présence contribue à cette « complexification » (relative) du récit.

Cependant, j’ai toujours autant de mal à rentrer dans l’histoire. Il m’a plusieurs fois fallu me forcer pour finir un chapitre. Cela était particulièrement frappant dans la première moitié du livre où certains passages paraissent peu crédible quand on considère les enjeux de l’intrigue générale de la série (jouer à attrape-drapeau alors que la fin du monde menace, quoi de plus normal ?).

Malgré cela, on retrouve l’humour si particulier de Riordan qui, comme d’habitude, parvient à tirer des mythes antiques des situations de collision assez cocasses avec notre propre époque et culture. Autre point positif, comme pour la fin du tome 2, cette fin de tome 3 continue d’étoffer l’intrigue et ouvre plusieurs pistes pour la suite. A ce titre, les révélations au sujet de certains personnages constituent de belles surprises que je n’avais pas vu venir !



En bref : Percy Jackson n’est décidément pas une série qui me transcende. Un lecture parfois forcée mais qu’on poursuit malgré tout afin de savoir où veut nous emmener l’auteur. Je lirai la suite, mais sans me presser car j’ai quand même envie de connaître le fin mot de toute cette histoire (courage, plus que deux tomes !).

mardi 18 juin 2013

Le chasseur et son ombre de G.R.R.Martin / G.Dozois / D.Abraham



Le chasseur et son ombre
G.R.R.Martin / G.Dozois / D.Abraham
Folio SF / 380 pages
  
Quatrième de couverture
Ramon Espejo est un dur à cuire, un homme qu'on ne pousse à bout qu'à ses risques et périls.
L'ambassadeur européan en a fait l'amère expérience et l'a payé de sa vie, contraignant Ramon à s'enfuir.
Pour échapper à la police, celui-ci s'enfonce au coeur d'une région encore inexplorée de la planète São
Paulo et fait une découverte qui pourrait avoir des répercussions à l'échelle de la galaxie. Il est alors entraîné bien malgré lui dans une course-poursuite d'un genre très particulier.





Ma rencontre avec le livre

J’ai pu découvrir ce livre grâce au forum de Livraddict. N’ayant jamais lu de G.R.R.Martin (l’auteur du Trône de Fer) et ayant eu de bons échos de ce roman, j’ai saisi l’occasion proposée. Merci au forum et aux éditions Folio SF !


Ma lecture du livre

Le Chasseur et son ombre s’avère une agréable surprise. Les auteurs nous proposent avec ce récit de SF et d’aventure un roman pas forcément original dans son idée de base mais assez osé dans sa profondeur et la réflexion qu’il propose à demi-mot sur l’humanité.


Le pitch de départ est en effet assez convenu : une planète récemment colonisée par les Hommes ; un explorateur solitaire qui découvre une race extraterrestre et les péripéties qui suivent cette rencontre. Je n’en dis pas plus car, justement, un des points forts du livre réside dans les retournements successifs de situation qu’il propose. Si j’en ai vu venir quelques uns (du moins avec une intuition plus ou moins proche de ce qu’il s’est finalement passé), certains sont vraiment bien trouvés (un en particulier change totalement la perspective de l'intrigue) et relancent l’intrigue (mais je l'avais malheureusement deviné en partie qu'il y avait anguille sous roche comme on dit avec ce que les auteurs voulaient nous faire croire).

Et relancer l’intrigue n’est pas un mal. Car, mis à part ces retournements de situations et ces révélations, Le Chasseur et son ombre n’est pas un roman bourré d’action. Il y a bien un ou deux combats mais oubliez les courses poursuites effrénées en vaisseau, les affrontements palpitants. Non, rien de cela. Le livre est finalement assez posé, presque lent dans son déroulement car les auteurs préfèrent explorer la psychologie de leur personnage, sa relation au(x) monde(s) qui l’entoure(nt) plutôt que d’enchaîner les scènes d’action. Du coup, par moment, il faut le dire, on s'ennuie un peu et on est pas vraiment pris de frénésie pour arriver à la page suivante.

On touche donc là au cœur du livre avec cette question de la réflexion. Le roman veut, sans tomber dans le traité philosophique, nous amener à nous interroger sur ce qui fait l’être humain à travers l'exemple de cette histoire. Comment fonctionne-t-il ? Quelle est sa nature ? Qu’est-ce qui définit son identité ? Si ce type de questionnement n’est pas révolutionnaire en SF, il est agréablement mené par Martin et Cie qui proposent quelques bonnes idées mais pas toujours forcément exploitées jusqu'au bout. De plus, le tout est servi dans un style honnête bien que parfois difficile à suivre en raison de l’utilisation  d’expressions espagnoles et extraterrestres (le temps de s’y faire). Par ailleurs, cette composante hispanique de l’univers m’a cependant semblé un réel plus qui donne un identité au livre. Cela nous change de la SF construite sur des modèles purement anglo-saxons  / américains (la Mexamericana à l'oeuvre : des auteurs américains marqués par une influence hispanique ? Géographie quand tu nous tiens... XD). De même, le personnage qui sert de prétexte à ce questionnement m’a paru assez attachant sans tomber dans la caricature (même si certains revirements dans son attitude m’ont parfois paru amenés de façon un peu maladroite) : il s'agit d'une sorte d'anti-héros ivrogne, sale, vulgaire et violent mais à la personnalité qui se complexifie en lien avec l'intrigue.


En résumé : un roman de SF qui n’est pas révolutionnaire mais intéressant à lire dans un univers qui se démarque des productions habituelles par sa composante hispanique même si le fond de l’histoire n’est pas forcément novateur. De la science-fiction qui tente d'être intelligente mais sans aller au bout des choses et qui privilégie les personnages et les idées à l'action. A éviter si vous cherchez de l’action effrénée et une histoire trépidante. Une lecture sympa mais pas mon nouveau coup de coeur SF.

vendredi 24 mai 2013

Gatsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald



Gatsby le Magnifique
F. Scott Fitzgerald

Quatrième de couverture
Au début des années 1920, dans une débauche de luxe, d’alcool et d’argent, un mystérieux personnage s’installe à Long Island dans un domaine incroyable d’extravagance. Qui est ce charmant et légendaire Gatsby, incarnation du pouvoir et de la réussite, dont les fêtes attirent toute la société locale ? Les rumeurs les plus folles circulent. Un espion ? Un gentleman anglais ? Un héros de guerre ? Un mythomane ?
Une vérité plus profonde se cache derrière l’orgueil et la magnificence de Gatsby, celle d’un ancien adolescent pauvre et d’un amant trahi qui ressemble beaucoup à Fitzgerald lui-même.
Le vingtième siècle ne fait que commencer mais la fête semble déjà finie…








Ma rencontre avec le livre

C’est, comme pour ma chronique précédente, à un cours d’anglais que je dois la découverte de ce livre. Notre prof nous avait demandé de traduire les dernières pages du roman (belle manière de spoiler ce livre !). Mais, cela remonte à cinq ou six ans et j’avoue que je ne m’en rappelais pas vraiment. Ce n’est en effet qu’avec la sortie du film de Baz Luhrmann que j’ai décidé de lire le livre en entier (je dirai d’ailleurs un mot sur le film en fin d’article).

Ma lecture du livre

Gatsby fait partie de ces romans qui, tout en racontant une histoire convenue (une romance impossible), laissent pourtant sur leur lecteur une impression singulière et durable. Différents éléments contribuent à ce sentiment positif que m’a laissé le roman.
  
Tout d’abord, le contexte des années 1920 à New-York m’a beaucoup plu. En apparence belle et clinquante de dynamisme, cette époque des fêtes et du Jazz (cf. les « Années folles » en France pour cet état d’esprit) ne m’est pas forcément très connue et c’est donc avec plaisir que je m’y suis plongé au gré des péripéties de Gatsby.
  
Cependant, Gatsby ne se veut pas un roman historique. Et on touche là au deuxième point fort du livre : la subjectivité du narrateur et son ton, sa voix particulière. En effet, Gatsby ne propose pas un tableau objectif de ce New-York des 1920’s. Notre découverte se fait par le biais d’une narration à la première personne sur le mode du souvenir. Nick Carraway (le narrateur) écrit ce dont il se souvient de ces années là. Ainsi, le livre que nous tenons entre les mains n’est en quelque sorte pas celui de Fitzgerald mais celui du narrateur lui-même qui explique dès le début son besoin de coucher cette histoire sur le papier. Dès lors, c’est moins le récit événementiel ou les éléments historiques qui comptent que la perception et les émotions que tente de retrouver le narrateur en écrivant. Il adopte alors une voix bien particulière qui dégage un je ne sais quoi entre la nostalgie et la désillusion. Ce contraste entre le récit d’un monde léger, insouciant, débridé et ce ton désillusionné, cette tentative de recul vis à vis des événements (que le narrateur ne semble pas réussir à mener à son terme) font la force de cette histoire.
  
Et on en arrive alors à la troisième qualité de Gatsby : la peinture d’un rêve américain qui se fissure. Au-delà de la romance, si le roman a connu un tel succès après la vie de son auteur, c’est grâce à son caractère visionnaire et à la capacité de Fitzgerald de pressentir, derrière les paillettes, l’alcool et les fêtes, les fissures qui commencent à apparaître dans cette belle Amérique rêvée. Une phrase de la quatrième de couverture exprime très bien cela : « Le vingtième siècle ne fait que commencer mais la fête semble déjà finie… ».

 Ainsi, si l’intrigue est assez standard, le roman est très riche. De plus, l’auteur sait ménager son suspens autour du personnage de Gatsby. Le mystère est savamment entretenu par des allusions et des tournures de phrases du narrateur visant à intriguer le lecteur. Les personnages sont complexes et leurs portraits bien brossés. Gatsby est donc un roman réellement plaisant à lire et dans lequel on entre sans problème.


Et le film ?
Je suis globalement très satisfait par le travail d’adaptation qui a été fait. Le film est ainsi très fidèle, à l’exception de certaines modifications concernant le narrateur. Le texte du roman est littéralement présent dans le film. Le casting colle aux personnages même si j’avoue avoir eu parfois un peu de mal avec Tobey Maguire.
On peut être surpris par la surenchère d’effets spéciaux et la bande son (qui est un des gros plus du film, en particulier la piste Youngand Beautiful de Lena Del Rey). Certains crieront à l'anachronisme. C'est qu'ils n'ont pas compris la teneur du film et l'objectif visé par le réalisateur : Gatsby n'est pas un roman/film historique. On est dans la subjectivité du narrateur qui  rapporte son histoire sur le mode du souvenir et non en direct, souvenirs qui émergent de soirées alcoolisées. Dès lors, le but est moins de reconstituer fidèlement des évènements que de retrouver une atmosphère à travers des souvenirs par définition déformés, exagérés. La surenchère visuelle et sonore trouve alors son sens : de la même manière qu'on se rappelle notre premier sapin de noël bien plus grand, brillant et magique qu'il ne l'était sans doute, le narrateur ne nous donne pas à voir Gatsby et son monde tels qu'ils étaient réellement, mais comme il s'en souvient et se les est reconstruits.
Les effets spéciaux dégoulinants sont ainsi volontaires pour restituer ces étoiles dans les yeux que gardent en mémoire le narrateur. Les anachronismes musicaux sont quant à eux un moyen de faire ressentir avec un langage compréhensible pour le spectateur de 2013 la fièvre de ces soirées (si on nous avait mis de la musique d'époque, certes on aurait été dans le "vrai" mais il y aurait eu un décalage entre le ressenti du narrateur et celui du spectateur. Or, je le redis, c'est là dessus que tout repose et pas sur le contenu ou la peinture historique des soirées proprement dits.
La seule faute de goût dans la direction artistique est selon moi le recours à des plans 3D qui n’apportent rien (j’ai vu le film en 2D et, lors de certaines scènes, on voit clairement que les plans ont été pensés de manière à mettre en évidence, sans apport de sens, la 3D).
Bref, une adaptation honnête mais qui ne parvient cependant pas à restituer totalement le ton et les émotions du narrateur que véhiculent le roman. La faute peut-être à un éclairage mis plutôt sur la romance dans le film.


  
Pour résumer : un roman culte qui n’a pas volé sa place. Une histoire d’amour convenue mais un style fort et un ressenti général bien singulier qui révèle le regard visionnaire de Fitzgerald sur la crise du rêve et de la société américaine à venir.

8,5/10

mercredi 15 mai 2013

L’écume des jours de Boris Vian

L'Ecume des jours 
Boris Vian
 
Quatrième de couverture 
L'Ecume des jours : ce titre léger et lumineux annonce une histoire d'amour drôle ou grinçante et inoubliable, composée par un écrivain de vingt-six ans.
C'est un conte de l'époque du jazz et de la science-fiction, à la fois comique et poignant, heureux et tragique, merveilleux et fantastique, féerique et déchirant. Dans cette oeuvre d'une modernité insolente, l'une des plus célèbres du XXe siècle et livre-culte depuis plus de trente ans, Duke Ellington croise le dessin animé, Sartre devient une marionnette burlesque, le cauchemar va jusqu'au bout du désespoir.
Mais seules deux choses demeurent éternelles et triomphantes : le bonheur ineffable de l'amour absolu et la musique des noirs américains...





Ma rencontre avec le livre

J’avais entendu parler de longue date (sans doute en cours de français) de ce fameux roman de Boris Vian. Je me suis une première fois frotté à sa plume si particulière en cours d’anglais lors d’un exercice de traduction du français vers la langue de Shakespeare de la scène de la patinoire. Pas forcément emballé par ce contact très scolaire scolaire, ce n’est que récemment, à l’occasion de la sortie du film signé Michel Gondry (sur lequel je reviendrai plus loin) que je me suis lancé dans l’aventure Vian.


Ma lecture du livre

L’Ecume des jours est un livre indescriptible. Boris Vian propose au lecteur un univers sans aucune règle que celle des limites de son imagination débordante, fantaisiste mais aussi pessimiste. Le monde dans lequel nous plonge le roman est en effet atypique voire surréaliste, à la croisée de la science-fiction et de la fantaisie. L’impression que me laisse cette lecture est tout aussi indescriptible et n’en facilite donc en rien la mise par écrit…

Commençons par ce qui est facile, claire, évident, certain : le scénario. L’Ecume des jours est une histoire d’amour tragique, somme toute assez banale, entre Colin, jeune homme bien nanti à qui la vie sourit, et Chloé. Là où les romans actuels ont tendance à se focaliser sur l’impossible réalisation de l’amour, le dilemme et la difficulté à exprimer ses sentiments devant un impossible triangle amoureux, Vian évacue tous ces préliminaires très rapidement pour se concentrer sur la suite : le déclin de cette belle histoire dès lors que Chloé tombe gravement malade.

Rien de bien original jusque là ou de très difficile à rapporter. Pourtant, dès les premières pages, on comprend que cette amourette ne sera pas traitée de façon anodine et convenue : le lecteur rencontre Colin pendant que ce dernier fait sa toilette… en se coupant les paupières, qui décidément repoussent trop vite ! Et il ne s’agit là que de la première fantaisie de Vian. Suivent ensuite pêle-mêle : une souris qui parle, des armes poussant à la chaleur humaine, des réserves de pigeons de rechange, une assistance publique qui égorge les enfants et j’en passe. L’univers n’a aucune règle, l’auteur jouant sans cesse des jeux de mots et métaphores qui, pris au pied de la lettre, déstabilisent en permanence le lecteur.

Devant un tel jeu sur le langage, on pourrait croire que l’Ecume des jours est un roman léger et fantaisiste, accumulant sans réel but les inventions littéraires. J’ai cru cela pendant un temps : arrivé au premier quart du roman, je me demandais où tout cela menait et j’ai du me forcer à continuer. Puis, quelques pages plus loin, tout a changé et Vian a réussi à me convaincre. Ce serait une grossière erreur que de s’arrêter à cette vaine fantaisie perçue au premier abord. En effet, au fur et à mesure de la progression dans le roman s’opère une glissement subtil (annoncé par quelques indices dès le début du livre) de la fantaisie vers l’absurde, du merveilleux vers le sordide. Toute la force du roman (ou du moins ce que j’ai, moi, aimé chez Boris Vian), c’est cette capacité à transformer subrepticement son livre qui, tout en gardant sa poésie, prend alors des allures de satire sociale totalement désillusionnée. Tout y passe : le travail, la religion, l’amitié, l’amour, la médecine. J’ai tout particulièrement apprécié l’intrigue secondaire autour de Chick et de sa dépendance aux écrits du philosophe Jean-Sol Partre, équivalent burlesque de Sartre.


Et le film ? (mais aussi encore le livre car je profiterai de ces « réponses » pour continuer à défendre le livre par la même occasion)
Pas de compte-rendu exhaustif, mais les réponses à deux critiques que j’ai pu voir de façon récurrente sur les sites/blogs de cinéma (critiques qui sont parfois aussi faites au livre, soit dit en passant, d’où le fait que ces réponses peuvent aussi s’y appliquer). Réponse en deux temps, donc.

1) J’ai pu lire qu’il s’agissait là d’un film "sans intérêt", au "scénario pauvre".
C'est une façon de voir les choses. L'histoire ne brille certes pas par son originalité mais là n'est pas l’intention de Vian et donc de Gondry : c'est le traitement qui importe ici. De plus, le sentiment de vanité/vacuité qui se dégage de ce récit n'est pas un accident mais bien le  l'objectif visé par Vian (et donc à nouveau par Gondry que j’ai trouvé très fidèle à l’esprit de Vian). La vie est absurde, amère. C'est finalement le constat très noir que fait cette histoire sous ses airs de conte merveilleux.

2) Certains dénoncent également "un manque d'émotion", des personnages peu attachants, attribuant éventuellement la faute aux acteurs. Je ne rentrerai pas dans le débat « Romain Duris » (je n’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi cet acteur fait couler autant d’encre, que ce soit en négatif ou en positif, mais passons). Je ne conteste pas ce manque d'émotion. Mais il ne s'agit pas selon moi d'un défaut. En effet, l'impression que m'ont laissée Colin et Chloé dans le livre était tout autant dépourvue d'émotion. Il sont par bien des aspects méprisants et méprisables. Ce sont deux marionnettes, tout aussi chimériques que leur monde, qu'on regarde s'agiter vainement. Les personnages nous sont finalement tout aussi étrangers que leur univers. A nouveau, il est difficile de qualifier cela de défaut à partir du moment où il ne s'agit pas d'un accident (comme semblent pourtant le croire certains) mais bien d'une intention, porteuse de sens, de la part de l'auteur.

Bref, pour moi, Gondry signe une adaptation réussie, fidèle au livre dans ses grandes lignes et dans les quelques inventions que se permet le réalisateur. Atout majeur du film : la musique. Le jazz tient en effet une grande place dans le roman et le cinéma permet d’avoir dans les oreilles cette musique si souvent citée par Vian. Malheureusement, ceux qui ne connaissent pas le livre seront sans doute très déstabilisés (surtout quand l’affiche annonce « la plus poignante des histoires d’amour ») et, comme en témoignent certaines critiques, ne saisiront pas l’intention derrière l’histoire. S’il me faut donner un carton à Gondry, ce serait finalement sur ce point : il offre une bonne adaptation mais une adaptation qui joue trop de la connivence avec le lecteur, laissant sur le bord de la route une partie de ceux qui n’ont pas lu le livre. Cependant, certains amis n’ayant pas lu le livre ont apprécié le film. Comme quoi…



En résumé : L’Ecume des jours est un livre à essayer, ne serait-ce que pour le dépaysement offert et l’incroyable singularité de la poésie de Boris Vian. Qu’on soit pris ou non par l’histoire et qu’on s’attache ou non aux personnages : peu importe. A mon sens, lire l’Ecume des jours demeurera dans tous les cas une expérience marquante dont l’intérêt réside moins dans l’intrigue ou la vision désillusionnée de son auteur que dans la découverte d’une nouvelle utilisation de la langue qui ne manquera pas de vous faire « pétiller la tête ».

9/10

vendredi 3 mai 2013

Cycle d’Ender (La saga des ombres 5 ?) : Les rejetons de l’Ombre d’Orson Scott Card


Les rejetons de l’Ombre
Cycle d'Ender (La saga des ombres, tome 5 ?)
Orson Scott Card
Editions l’Atalante
200 pages

Quatrième de couverture
Ils étaient quatre à bord de l’Hérodote : Bean, le Géant, le stratège inégalable, et ses trois enfants héritiers de la clé d’Anton. Ender, Carlotta et Cincinnatus, trois petits génies condamnés comme leur père à une existence abrégée, que Bean avait arrachés à leur mère et à leur monde dans l’espoir que leur malédiction génétique trouverait un jour son antidote. Cinq ans s’étaient écoulés sur l’Hérodote tandis que le vaisseau filait à une vitesse relativiste, plus de quatre cents ans sur Terre. Et la Terre les avait oubliés... Leur seul espoir reposait désormais en eux-mêmes, peut-être en ce qu’ils allaient trouver parmi les étoiles, et Bean approchait d’une mort inéluctable.



Ma rencontre avec le livre

Fan d’Orson Scott Card, lecteur assidu en particulier du cycle d’Ender, j’ai été pris de court en découvrant en mars dernier que les éditions l’Atalante allaient déjà publier ce roman sortie l’an dernier en VO. Pourquoi une telle surprise ? Parce que j’avais dû attendre près de 6 ans pour que paraisse en poche le dernier Card que j’ai lu (à savoir le tome 4 de la Saga des Ombres, chroniqué ici). Je remercie donc doublement l’Atalante pour cette publication éclaire et pour m’avoir permis de me réconcilier avec un auteur sur lequel je commençais à avoir des doutes : Les rejetons de l’Ombre les balayent d’une claque phénoménale.


Ma lecture du livre

Vous aurez peut-être noté le « La saga des ombres 5 » entre parenthèse et accompagné d’un point d’interrogation dans le titre de l’article. Cela traduit tout simplement la difficulté à insérer cette suite qui n’en est pas vraiment une dans l’œuvre de Card. Indéniablement, Les rejetons de l’ombre fait partie du cycle d’Ender (à mon sens bien plus que les précédents tomes de la Saga des Ombres) mais de là à dire qu’il s’agit du tome 5 de la dite saga, ce n’est pas si simple. Explications.


Je l’ai dit, Les rejetons de l’ombre est une suite qui n’en est pas vraiment une. Suite car on  retrouve les personnages laissés à la fin de l’Ombre du géant, le tome 4 de la Saga des Ombres, et on se place dans une certaine continuité chronologique. Mais, pas tout à fait une suite car nous tenons là un roman singulièrement différent de ce à quoi l’auteur nous avait habitué dans la Saga des Ombres.

Cela tient tout d’abord à un scénario beaucoup plus « restreint » au sens où il se concentre sur un nombre limité de personnages, donnant ainsi à Card l’occasion de rejouer de ce qui faisait la force de La Stratégie Ender : l’interaction entre quelques individus réunis dans un espace limité. On retrouve le talent de l’auteur à dresser le portrait de personnages et à fouiller leur psychologie tout en les plongeant au cœur d’une « aventure » centrée ici sur l’exploration d’un mystérieux navire extraterrestre croisé durant leurs pérégrinations spatiales (a priori pas très original comme accroche mais, détrompez-vous, ça marche à merveille. Je n’en dis pas plus).

La tonalité de l’intrigue est également radicalement différente des précédentes aventures de Bean dans la Saga des Ombres et contribue à ma réticence à parler de « suite ». A mon grand plaisir, Card abandonne enfin l’anticipation géopolitique (qui commençait à me lasser) pour revenir vers de la SF plus spatiale aux touches Hard-SF (c’est à dire mettant l’accent sur des démonstrations scientifiques). Que les allergiques aux réflexions sur la gravité ou la génétique ne s’effrayent pas : malgré mon faible bagage scientifique, je n’ai pas été endormi et je pense avoir plus ou moins bien compris les différents points technologiques et biologiques au cœur de l’intrigue.

Mais surtout, si Card m’a conquis ici, c’est en raccrochant, par ce roman, la Saga des ombres à la mythologie générale du Cycle d’Ender. L’auteur multiplie les liens avec les romans centrés sur Ender, en particulier en ce qui concerne La voix des morts et la culture des Doryphores, cette race extraterrestre qui menaçait la terre dans La stratégie Ender. Non seulement on en apprend plus ici sur leur civilisation, mais surtout ces informations bouleversent ce que nous pensions savoir et offrent des perspectives nouvelles quant au propre destin d’Ender post-Stratégie (narré dans les romans La voix des morts, Xénocide et Les enfants de l’esprit).


Que dire sur les aspects plus formels du lire ? Une lecture fluide qui fait bien la part entre portrait psychologique, exposé scientifique, exploration et action (mais à petite dose, je vous préviens) et révélations. L’auteur use à bon escient de l’humour et de la corde sensible, rendant particulièrement émouvante (encore une fois) la fin de son roman. Seul reproche : l’impression qu’il prend parfois son lecteur pour un malade souffrant du symptôme de Doris (ne cherchez pas, je viens de l’inventer en référence à Doris, le poisson souffrant de perte de la mémoire courte du Monde de Nemo ; ne cherchez pas non plus pourquoi cette référence me vient maintenant…) : il nous ressasse plusieurs fois certaines informations telle que l’origine d’un surnom (qui en soit n’est même pas crucial à l’intrigue). Il fallait bien trouver quelque chose à critiquer…


Avant de conclure, répondons par conséquent à la question que posait implicitement le statut de suite/non-suite : un lecteur novice dans l’univers de Card peut-il lire et apprécier Les rejetons de l’ombre ? Sa singularité fait que, à mon sens, oui : un lecteur n’ayant pas lu les tomes précédents de la Saga des Ombres pourrait éventuellement apprécier. Bien sûr, il ne comprendra pas la portée de toutes les références et certains points resteront peut-être obscurs. En revanche, il me semble indispensable d’avoir lu au minimum La stratégie Ender (et encore mieux, La voix des morts mais pas obligatoirement) car, sans cela, le lecteur ne saisira pas l’enjeu de ce nouveau roman et risquera de trouver ennuyeuses et convenues les révélations sur les Doryphores.


En bref : suite uniquement du point de vue chronologique et des personnages, Les rejetons de l’ombre apparaît comme un roman radicalement singulier dans le cycle d’Ender dans lequel il s’inscrit pourtant en explorant la culture des mystérieux doryphores. On quitte la science-fiction politique pour une aventure scientifique spatiale. Par cette fraîcheur, alliée à un lien profond avec la mythologie fondatrice d’Ender, ce roman me réconcilie plus que jamais avec Orson Scott Card. L’auteur nous prouve qu’il n’a rien perdu de son talent et qu’il nous reste encore beaucoup de choses à découvrir. Espérons que l’Atalante soit aussi rapide dans la traduction de Shadow alive (la suite des Rejetons de l’ombre) dont la date de parution VO n'a malheureusement pas encore été annoncée !

9,5/10


samedi 27 avril 2013

Les nuits de Coruscant 1 : Crépuscule Jedi de Michael Reaves



Les nuits de Coruscant, 1 : Crépuscule Jedi
Michael Reaves
Pocket
345 pages

Quatrième de couverture
An -18
L'Empire Galactique a remplacé la République et son leader, l'Empereur Palpatine, a virtuellement rayé les Jedi de la carte. L'un d'entre eux, Jax Pavan, a néanmoins échappé à la Purge et mène une vie clandestine dans les profondeurs de Coruscant, ou il est devenu détective privé. Mais certaines personnes connaissent son secret et le recherchent activement. Parmi eux, l'ancien journaliste Den Dhur et le droïde Tope-Là. Lorsqu'ils lui apprennent que son ancien Maître Jedi est mort en lui laissant une dernière mission, Jax Pavan décide de reprendre du service. Et ce, même s'il doit mener un duel à distance avec... Dark Vador en personne.


Mode d'emploi : Les romans Star Wars, comment ça marche ?





Ma rencontre avec le livre

Comme je surveille les parutions Star Wars, je connaissais l’existence de ce roman mais il n’est pas trop dans mon habitude de lire des livres SW « périphériques » (c’est à dire que ne suivent pas les personnages issus de la famille Solo-Skywalker). Cependant, sur les conseils de Simon, un lecteur du blog, amateur de roman Star Wars, j’ai finalement décidé de me lancer dans cette trilogie des Nuits de Coruscant dont le premier tome est intitulé Crépuscule Jedi.


Ma lecture du livre

Il s’agit là d’un roman Star Wars atypique comme je n’en avais pas encore lu. Cela vient tout d’abord des personnages de l’histoire. En effet, ils sont totalement inconnus et le livre est pourtant centré sur eux. Bien sûr, on croise des noms comme Anakin, Dark Vador, Obi-Wan ou Mace-Windu mais il ne s’agit que d’apparitions rapides voire de mentions. Bref, préparez-vous à de nouvelles rencontres !


Le personnage principal est ainsi un jeune jedi qui, après avoir échappé à la Purge de l’Ordre 66 (relatée dans le film Episode III La revanche des Sith), survit dans les bas-fonds Coruscant (la planète-ville capitale galactique). Pour ce faire, il fricote avec des individus très variés allant d’un journaliste à un soldat à la retraite en passant par les pires membres de la pègre locale.


Cet environnement des bas-fonds est un autre élément qui m’a marqué et m’a fait apprécier ce roman. En effet, on est ici très loin des décors aseptisés (parfois un peu lisses) des films et des romans que je lis habituellement (centrés sur la famille Skywalker-Solo et descendants). L’auteur nous offre ainsi des descriptions efficaces de ce monde sordide et y développe de très bonnes idées. Le fan ne pourra donc qu’apprécier l’épaisseur donnée au background de cette planète culte dont on se rend compte qu’on ne connaît finalement qu’une infime partie (à noter que les bas-fonds étaient entraperçus dans l’Episode II).


Crépuscule Jedi apporte un véritable vent de fraicheur sur les romans de l’UE par son idée de départ. Mais, le contenu est-il à la hauteur ? Globalement, la réponse est oui. Le rythme est soutenu par des chapitres courts (parfois un peu trop) sans aucun temps mort. Les descriptions sont toujours sympathiques mais ne deviennent jamais trop envahissantes. En revanche, l’exploitation des personnages est inégales. En effet, si certains ont droit à des portraits et une exploration poussée de leur psychologie tandis que d’autres apparaissent plus brouillon. Or, là où c’est un problème, c’est quand l’un des personnages brouillon est le héros Jax Pavan ! J’ai donc eu du mal à m’attacher à lui. Cependant, pour la défense de l’auteur, il faut dire qu’il s’agit peut-être là d’une démarche volontaire afin de garder une certaine aura de mystère autour du personnage. En effet, celui-ci reste insaisissable pendant tout le roman mais la fin du tome apparaît comme une promesse d’information dans la suite.


Concernant l’intrigue, il faut dire qu’elle est assez convenue : une course-poursuite pour retrouver un droïde contenant des informations capitales pour l’empire (tiens, ça vous rappelle quelque chose ?). Mais, il serait faux de prendre les choses pour ce qu’elles semblent être car l’auteur réserve quelques retournements. Et puis, si le scénario n’est pas novateur, la fraîcheur des personnages et des décours compense largement.


De plus, le lecteur averti verra apparaître de nombreuses références à d’autres œuvres de l’UE tels que certains personnages secondaires qui s’avèrent avoir déjà été utilisés dans d’autres romans. Par exemple, le soldat à la retraite Nick a été croisé par Mace Windu dans le roman Point de Rupture tandis que le Prince Xizor est bien évidemment issu des Ombres de l’Empire. Mais que le lecteur débutant se rassure : pas besoin d’être un initié des romans Star Wars pour apprécier ce livre. L’absence de ramifications complexes et de liens avec les personnages habituels et fait un roman idéal pour découvrir l’UE Star Wars.



  
En bref : un roman Star Wars très sympa au cadre et aux personnages très originaux. Il s’agit là d’un cycle indépendant qui rend la lecture facile pour les débutants dans l’univers Star Wars (idéal pour ceux refroidis pas les cycles plus longs et complexes centrés sur la famille Solo-Skywalker). Mais, en même temps, la maîtrise de l’UE par l’auteur lui permet de placer de nombreuses références qui sont autant de clin d’œil montrant qu’il n’oublie pas les lecteurs plus avertis. Peut-être pas un must have mais néanmoins un bon roman Star Wars.

7/10

mardi 23 avril 2013

Un nuit pour tout changer d’Aurore Seïté



Une nuit pour tout changer
Aurore Seïté
Editions Persée
170 pages

Quatrième de couverture
Le Sablier est un monde à part.
Il s'agit d'un village parfait, sans violence et offrant la possibilité de remonter le temps pour modifier et réussir sa vie.

Luc aura l'opportunité de connaître ce monde, malheureusement, il n'y aura pas sa place. Son arrivée au Village va rapidement bouleverser l'ordre des choses mais quand l'amour et l'égoïsme s'en mêlent, il est déjà trop tard pour revenir en arrière.






Ma rencontre avec le livre


J’ai récemment découvert les Editions Persée grâce au site Livraddict. Assez enthousiasmé par la première de leurs publications que j’ai pu lire (Les secrets du temps), je n’ai pas hésité lorsqu’on m’a proposé d’en découvrir une autre. Je les remercie pour leur confiance.


Ma lecture du livre


Une nuit pour tout changer est un roman fantastique mettant un scène un monde rêvé dont les habitants (venus de notre monde) ont la possibilité de changer leur passé. Ce concept de base et une partie de son traitement sont des idées intéressantes. Cependant, j’ai trouvé qu’il n’était pas suffisamment exploité : lorsqu’on arrive à la fin du livre, on a finalement du mal à comprendre où voulait aller l’auteur avec ses personnages et la chance qui leur était donnée (c’est peut-être moi qui suis compliqué et veut chercher du sens là où il n’y avait pas forcément volonté d’en donner). Mais le fait est que si j’ai été emballé par l’idée générale, l’épilogue m’a laissé sur ma faim.


La narration est soutenue et sans longueur. Seul défaut : les évènements s’enchaînent trop vite. On passe d’une situation à l’autre, faisant des bons dans le temps, sans que rien ne viennent appuyer la cohérence d’une telle évolution de l’intrigue qui par moment laisse donc le lecteur sceptique.


L’auteur (dont c’est le premier roman) a un style facile à lire mais qui demande selon moi à mûrir encore un peu (mais elle aura ses prochains romans pour ce faire !). De même, on sent des hésitations qu’il faudrait corriger quant à la focalisation du narrateur : on a parfois du mal à voir à quel niveau de connaissance et derrière quel personnage se focalise celui-ci. Par conséquent, les effets de suspens qui sont créés sont parfois un peu maladroits.


En revanche, un des points forts du livre réside dans sa galerie d’habitants du village. Les flash-backs (influence de Lost sur ce point ? Peut-être à nouveau moi, qui en grand fan, en voit partout !) sont ce que j’ai préféré. Tous les personnages présentent des parcours variés, certains parfois très glauques (attention, par conséquent, au lectorat ciblé par le livre qui n’est pas forcément très clair au premier abord). Seul regret : j’aurai aimé des flash-backs plus longs et plus nombreux afin de donner plus d’épaisseur à ces personnages qui avaient l’air intéressant (et qui malheureusement pour certains ne font qu’une unique réelle apparition dans l’histoire).
 

En bref : un roman fantastique léger. Des idées intéressantes, une intrigue sans temps mort mais au détriment de l’approfondissement des personnages et de l’explication des situations présentées. Un jeune auteur aux idées prometteuses, donc, dont on espère que l’écriture aura l’occasion de gagner en maturité dans ses prochains livres.

5/10

jeudi 18 avril 2013

Les Chemins de poussière 1 : Saba, Ange de la mort de Moira Young




Les Chemins de poussière 1 : Saba, Ange de la mort
Moira Young
Editions Gallimard Jeunesse
420 pages

 
Quatrième de couverture
Saba vit dans un monde régi par aucune loi. Quand son frère jumeau est enlevé, elle n’hésite pas à se lancer seule à la poursuite des ravisseurs. Dans une quête peuplée de créatures féroces, Saba va devoir se transformer en une impitoyable guerrière pour survivre… Mais elle va également devoir apprendre à ouvrir son cœur.










Ma rencontre avec le livre

J’ai repéré ce livre dès sa sortie en grand format l’an dernier : le résumé et le style des extraits que j’avais pu lire n’avaient pas manqué de me faire penser à la trilogie Le chaos en marche de Patrick Ness (sans doute un de mes auteurs préférés). A l’occasion de la sortie du tome 2 en grand format et du tome 1 en poche en février, j’ai donc saisi l’opportunité que m’offrait Gallimard Jeunesse d’enfin pouvoir le lire : merci pour cette belle découverte !


Ma lecture du livre

 Saba, Ange de la mort est le premier volet d’une trilogie dystopique YA (Young Adult) qui n’est pas sans rappeler Hunger Games ou Le chaos en marche. En effet, la recette est plus ou moins un mélange de ces deux romans : une héroïne au caractère bien trempé et anti-conformiste à la Katniss d’Hunger Games, une terre ravagée (par on ne sait trop quelle catastrophe) mais surtout une langue âpre nous faisant directement entendre la voix de Saba qui n’est pas sans rappeler le Bruit de Tood dans Le chaos en marche.

En reprenant ces bons ingrédients, Moira Young peut difficilement faire quelque chose de mauvais. Mais parvient-elle à se distinguer de ces autres romans ? La réponse est oui, sans aucun doute. L’auteur parvient, malgré ces similitudes, à nous offrir un livre disposant de son atmosphère propre et qui réussit sans difficulté à se hisser au niveau de ces grands succès dystopiques du moment.

L’univers peut apparaître, à première vue, un peu vide. Mais, il se révèle peu à peu au lecteur au fur et à mesure que Saba découvre elle-même ce monde ravagé, dur et violent où ne subsistent que des vestiges de ce qui peut avoir été notre civilisation (appelée ici « Les Destructeurs »). L’auteur laisse échapper ça et là des éléments qui ne manqueront sans doute pas d’être développées dans les tomes suivant car on sent dès ce premier livre qu’il s’agit d’éléments clés.

Vivant loin de tout avec son père, son frère et sa sœur, Saba se retrouve forcée après l’enlèvement de son frère de quitter le foyer familial. On la suit alors dans un périple où s’enchaînent les rebondissements, en particulier dans la première partie du roman. La seconde moitié est en effet plus posée, offrant moins de surprises mais reste intéressante à lire. L’intrigue n’est finalement pas révolutionnaire (plus ou moins une quête pour retrouver un être cher) mais ce sont les personnages et le traitement qui font la force du livre.

Commençons par les personnages. L’héroïne, Saba, n’est pas sans rappeler une certaine Katniss comme nous l’avons dit : une jeune femme combative au caractère bien trempé. Mais la comparaison s’arrête là. Là où Katniss apparaît comme la fille forte, dévouée…etc, Saba apparaît plus humaine. D’emblée, on constate qu’elle est pleine de faiblesses et son mauvais caractère, son irritabilité et son attitude agressive vis à vis des personnages qui l’entourent (en particulier sa sœur) en font, selon moi, un personnage bien plus complexe.

 
Le roman met en scène d’autres personnages que j’ai tous trouvés très bien conçus et intéressants à rencontrer. Ils ne sont pas très nombreux mais sont très variés, que ce soit du côté des méchants (assez originaux) que des alliés de l’héroïne. Et puisqu’on parle des alliés, on ne peut pas ne pas évoquer l’immanquable histoire d’amour qui traverse la seconde moitié du roman. Jouer sur la fibre romantique est à la mode en ce moment (cf. le triangle amoureux qui finalement est au cœur de toute l’intrigue d’Hunger Games). On n’y échappe pas ici. Mais, heureusement, Moira Young n’en fait pas le pilier de son intrigue. Bien sûr la relation assez complexe de Saba avec un certain personnage (dont je tais le nom) tient une place importante dans la construction du personnage de Saba mais n’empiète pas sur la quête. De plus, l’auteur ne nous ressert pas l’éternel triangle à la Hunger Games ou à la Twilight et je lui suis très reconnaissant de ne pas céder à ce schéma facile et éculé.



Outre les personnages, c’est le traitement de l’histoire qui donne sa saveur au roman. Moira Young nous propose une narration à la première personne qui donne à entendre la voix de Saba elle-même. Or, à l’image du style de Patrick Ness dans la voix du couteau, l’auteur prend le parti de ne pas faire passer cette voix par le moule de la langue littéraire et du style policé qu’on rencontre habituellement dans les romans. Saba est une jeune fille qui n’est jamais allé à l’école et qui ne sait pas lire. Sa voix s’en ressent : tournures bancales, expressions familières, phrases courtes, ton sec. Moira Young joue donc un jeu assez subtile avec la langue : créer un style qui se caractérise pas l’impression qu’il n’y a justement pas de style et pas de recherche littéraire. Il peut ainsi être assez difficile, au début, d’écouter cette voix, mais, rapidement, on y plonge. Et, lorsque Saba s’arrête finalement de nous parler, on en redemande ! 

Puisque je n’ai eu de cesse de faire des comparaisons tout au long de cette chronique, finissons sur ce point. Si vous avez aimé Hunger Games ou/et Le chaos en marche (qu’il faut absolument lire !), vous devriez apprécier de faire connaissance avec Saba dans Les chemins de poussière. Certes, le Bruit du Chaos en marche reste (dans mes souvenirs) plus percutant et le suspens m’a paru plus maîtrisé dans Hunger Games. Cependant Saba, Ange de la mort, en mélangeant les ingrédients de ces deux précédentes sagas est une œuvre tout autant remplie de qualité et, si elle ne dépasse pas ces « modèles », elle atteint sans peine leur niveau. De plus, avec deux tomes encore à venir, Moira Young dispose d’une bonne marge de manœuvre pour nous surprendre (ce qu’elle ne manquera pas de faire, j’en suis sûr !).


En résumé : un très bon premier roman qui ouvre une trilogie dystopique prometteuse. Un univers qui ne révèle pour le moment que peu de choses sur ce qu’il cache, des personnages variés et intéressants à suivre, une écriture (ou plutôt une voix) percutante qui donne toute son identité à Saba et au livre. Une saga à suivre et une autre preuve que, malgré la déferlante lié au phénomène de mode, le genre dystopique peut offrir de très bon romans.

9/10

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